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Quinze ans de réclusion pour le beau-père « amoureux »

Au président qui lui demande comment ses relations ont commencé avec sa belle-fille alors âgée de 15 ans, Marc (1) répond : « Ben voilà, un jour, Ludivine m’a demandé de lui raser les jambes. J’ai d’abord dit non et puis, comme elle insistait, je l’ai fait. »

Le magistrat coupe court : « Je vous parle surtout de vos relations sexuelles avec elle… ». Ces relations qui ont conduit ce Thouarsais de 53 ans devant la cour d’assises pour viols aggravés. Comme les attouchements subis à 14 ans par Elodie, la soeur aînée de Ludivine, l’avaient entraîné devant le tribunal correctionnel de Bressuire. C’était en 2003 : cinq ans de prison dont deux ferme. « Sur le canapé, elle se blottissait souvent contre moi quand on regardait la télé,reprend l’accusé. Je lui faisais des caresses. Et, un jour, on s’est embrassés et on a eu un rapport sexuel. »Le beau-père ajoute une précision : « Le lendemain, pris de remords, je lui ai dit  » tu sais, ce qu’on a fait hier soir, c’est pas bien. J’ai eu une pulsion  »… »Il se reprend et, sans le vouloir, pose tout le débat : « On a eu une pulsion tous les deux … »Je ou on ? Voilà bien la question majeure à laquelle étaient hier confrontés les douze jurés de la cour d’assises : ces rapports sexuels aboutis ont-ils été librement consentis ou non ? La ligne de défense du beau-père est claire : oui, il a bien eu des relations sexuelles avec Ludivine, mais elle ne lui a pas dit non. « Il n’y a jamais eu de rejet de sa part, ni par des paroles ni par des gestes. Elle m’a même dit qu’elle porterait jamais plainte vu qu’elle était consentante. »


 » Elle m’a même dit qu’elle porterait jamais plainte  »

Cette version diffère radicalement de celle livrée avec constance par sa belle-fille depuis le début de la longue instruction de cette affaire. Et hier encore, à huis clos, rappelle Claude Pascot, le président : « Je l’ai repoussé, je lui demandais d’arrêter. Et après l’avoir fait, il me disait qu’il ne voulait pas faire 20 ans de taule et que si je parlais, il se suiciderait »,a-t-elle maintes fois répété. Le président pointe une contradiction : « Pourquoi aviez-vous peur d’une dénonciation si elle était, comme vous le prétendez, parfaitement consentante ? » « Ben, je connais pas bien la loi… J’étais âgé, elle était jeune… »,répond, embarrassé, le corpulent quinquagénaire au visage rougeaud. Le magistrat remarque que le discours du beau-père est le même que celui tenu lors procès de Bressuire pour l’agression sur Elodie. « Ludivine, j’étais amoureux. Avec Elodie, c’était plutôt une pulsion », nuance maladroitement l’accusé.


Maître Dallet, l’avocat thouarsais qui défend habilement les intérêts de la victime et de son père, veut savoir qui a pris l’initiative de cette relation incestueuse : « Ben… c’est-à-dire… c’est moi qui ai fait les premières caresses »,admet l’accusé en insistant encore et toujours sur le double argument sur lequel tout va se jouer : l’absence de contrainte et le consentement.


Dans sa plaidoirie, M e Dallet ne manque pas de rappeler que cet homme intelligent et socialement inséré n’a pas tiré les leçons de la sanction infligée par la justice en 2003 : « Tout le monde lui a expliqué qu’il ne fallait pas recommencer. La prison, ça marque un homme. Il ne mérite aucune excuse ».Quant à la contrainte, plaide-t-il, son statut d’ascendant lui a suffi pour l’imposer. « Accepter librement, ce n’est pas se soumettre et céder », insistera Claire Vuillet, l’avocat général. M e Dallet met enfin les jurés en garde sur le risque de récidive sur la propre fille de Marc, aujourd’hui âgée de 11 ans. « Quand elle en aura 14, que va-t-il se passer ? »


Un danger pareillement souligné par Claire Vuillet dans son réquisitoire. Elle invite donc les jurés « à faire en sorte d’empêcher toute forme de récidive ». Elle leur suggère « une sanction humaine mais néanmoins suffisamment sévère »de 15 ans de réclusion criminelle, en indiquant que l’accusé, au regard de ses antécédents, serait passible de la perpétuité.


La tache est rude pour M e Karine Guenezant, chargée de défendre le beau-père. Elle tente d’insinuer le doute sur la notion de contrainte en pointant quelques contradictions dans les déclarations de la jeune victime, selon elle, bien moins fragile qu’elle n’y paraît. Elle s’étonne aussi du décalage temporel entre la révélation des faits et le dépôt de plainte : « Pourquoi avoir attendu trois semaines ? Ce n’est pas le comportement naturel d’une personne victime de viols ! »Pour l’avocate, les jurés ne peuvent retenir le viol car, elle en est convaincue, Ludivine était bien « en capacité d’exprimer son refus, mais elle ne l’a pas fait ».


Les jurés vont en décider tout autrement en condamnant le beau-père à la peine suggérée par l’avocate générale : quinze ans de réclusion avec un suivi socio-judicaire de 5 ans à sa sortie de prison et inscription au fichier national des délinquants sexuels. Un verdict accueilli sans un mot par un accusé au teint devenu soudain plus rouge encore.

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